France – Corée du Sud : l’analyse tactique
22 juin 2015C’est l’heure de la vraie compétition, le début des matchs à élimination directe. Pour son 8e de finale, les Bleues rencontrent la Corée du Sud. Une équipe asiatique, difficile à bouger. Pourtant, les Françaises se sont imposées facilement (3-0) et ont profité de la naïveté de leurs adversaires. Retour sur le match en 3 points.
Les Bleues supersoniques
L’Olympic Stadium de Montréal accueille ce 8e finale de la Coupe du Monde 2015 : la France contre la Corée du Sud. 15 518 spectateurs ont fait le déplacement. Après un match expéditif contre le Mexique (5-0), les Bleues sont en confiance avant d’affronter les Coréennes. Pour cette 1re rencontre à élimination directe, Philippe Bergeroo a décidé de garder son 11 vainqueur contre les Nord-Américaines. Une seule exception : Louisa Nécib remplace Amel Majri sur l’aile gauche. Encore une fois, Gaëtane Thiney reste sur le banc. Un choix plutôt surprenant au vu du duo efficace qu’elle forme avec Eugénie Le Sommer sur le front de l’attaque. Or, Marie-Laure Delie se complète parfaitement avec la Lyonnaise. La Parisienne se comporte comme une renarde des surfaces, en vrai buteuse tandis que sa comparse tourne autour d’elle, en 9 et demi. De surcroît, les deux attaquantes peuvent prendre la profondeur.
Le début de match français est parfait. Malgré la pression Coréenne, les Françaises posent le jeu. Sachant que les Asiatiques ne refusent pas le jeu, les espaces se créent. Le jeu tricolore est basé sur la latéralité. Les duos Houara – Thomis sur l’aile droite et Boulleau – Nécib sur l’aile gauche sont primordiaux. Le 1er but met en exergue cette idée. Sur son côté gauche, Laure Boulleau prend l’aile, parfaitement décalée par Louisa Nécib. La Parisienne rentre dans la surface, elle cherche la remise de Camille Abily, très importante offensivement. Outre ses transversales millimétrées, la Bretonne a su apporter le surnombre quand il le fallait. Tout comme Amandine Henry. La passe de l’ex-joueuse du MHSC est parfaite. Laure Boulleau centre pour Marie-Laure Delie qui conclut et ouvre la marque. Une action collective de grande classe qui met en valeur l’attaquante parisienne, dans le dur tout au long de sa saison en club. Tout y est : maîtrise technique, intelligence de jeu, mouvement et vitesse.
Durant quasiment toute la rencontre, le jeu tricolore est basé sur la vitesse et les ailes. Eugénie Le Sommer continue à dézoner, mais n’hésite pas à chercher la profondeur. Pareil pour Marie-Laure Delie. Le milieu français, encore impeccable, se régule. Les filles de Philippe Bergeroo alternent entre jeu court et jeu long. En face, la Corée du Sud adapte son système défensif. Le 4-2-3-1 se transforme en rapidement en 4-4-2 pour éviter les courtes relances. Parfois, les Asiatiques passent en 4-3-3 (?), un système totalement naïf qui permet aux latérales françaises d’avoir une certaine liberté et de jouer dans le dos des Coréennes. Justement, cette caractéristique va être la clé du match pour les Bleues. Bien que solidaires et regroupées, les adversaires des Tricolores vont faire preuve d’une naïveté défensive inquiétante. Les décalages sont aisés et le marquage en zone une catastrophe. Elodie Thomis – avec sa vitesse et son sens du dribble – se régale. Pareil pour Eugénie Le Sommer. Le second but des coéquipières de Laure Boulleau met en exergue cette donnée. Sur l’aile droite, Elodie Thomis récupère le cuir pour contre-attaquer. Elle accélère, la défense est aux abois. L’appel sur le côté de Jessica Houara trompe deux coréennes. La Lyonnaise cherche le une-deux avec Eugénie Le Sommer et finit le travail. Symptomatique.
Henry – Abily, duo gagnant
À chaque rencontre, c’est quasiment le même refrain. Amandine Henry reçoit les lauriers de la presse, des observateurs et des supporters. Élue joueuse du match pour la 2e fois consécutive, la Nordiste rayonne au Canada. Même Bruno Bini doit regretter de l’avoir mis de côté pour des raisons extra-sportives. Contre la Corée du Sud, Amandine Henry et Camille Abily vont sortir leur récital. Récupération, organisation de jeu, alternance dans le jeu, tout y est. Par moment, la défense centrale saute l’entrejeu tricolore pour trouver des solutions dans la profondeur. Aucun problème, les deux milieux sont là pour combiner avec leurs coéquipières. De plus, les deux joueuses de l’OL n’hésitent pas à dézoner pour être présentes offensivement ou tout simplement réclamer le cuir afin d’allonger le jeu. Camille Abily se régale. Tout au long du 8e, la Bretonne envoie des missiles de 30m comme Andrea Pirlo sait faire. No party, no Abily.
Défensivement, leur match est également parfait. Malgré les deux buts rapides, les Coréennes ne lâchent pas. Avec des lignes resserrées, le milieu asiatique est souvent bien garni. Les Françaises pressent et l’entrejeu s’occupe du marquage individuel. Camille Abily et Amandine Henry grattent de nombreux ballons. Leur placement est souvent parfait. Ou lorsque Lee Geummin se faufile entre les lignes, l’une des deux resserre son marquage. La Coréenne est perdue. Rien n’est laissé au hasard dans l’entrejeu tricolore. La prochaine rencontre contre l’Allemagne s’annonce haletante. Le milieu de terrain sera certainement la clé du match.
La résurrection Marie-Laure Delie
Nous aurions pu revenir sur la prestation de haut vol d’Eugénie Le Sommer. Le sosie officieux de Kevin Gameiro a encore régalé. Mais la vraie satisfaction est bien la renaissance de Marie-Laure Delie. Critiquée par les observateurs (moi le premier, NDLR), la Parisienne répond sur le terrain. Préférée à Gaëtane Thiney lors de la rencontre contre le Mexique, Philippe Bergeroo continue à lui faire confiance. Il a eu raison. Auteure d’un doublé, elle a rempli sa mission et a su être décisive lors d’une rencontre importante, un reproche habituel.
Contre la Corée du Sud, Marie-Laure Delie va peser sur la défense adverse avec ses appels en profondeur, mais surtout son rôle de pivot / renard des surfaces. Toujours bien placée sur les centres, ses coéquipières n’hésitent pas à la chercher dans la surface de réparation. De surcroît, il lui arrive de dézoner pour participer au jeu. Pour le moment, elle ne fait que les bons choix. Contre l’Allemagne, on aura besoin de cette confiance. À moins que Gaëtane Thiney revienne dans le 11 de Philippe Bergeroo ? La suite au prochain épisode.
Par Charles Chevillard